Pierre Noël, 28 ans, d’origine mauricienne, a grandi en Tanzanie depuis l’âge de 8 ans. Il a été en pension en Afrique du Sud avant d’aller étudier l’agriculture en Australie. À la fin de ses études, Maurice s’impose à lui tout naturellement : un retour aux racines logiques après plusieurs stages dans l’industrie cannière en touchant du doigt uniquement le côté maraicher.

Il garde de super souvenirs de son enfance en Tanzanie, un pays très généreux en produits de sa terre : fruits et légumes y étaient d’une qualité exceptionnelle. Il a grandi proche d’une nature florissante d’où son besoin d’un retour à la terre.

Aujourd’hui, Pierre est bien à Maurice ou il souhaiterait distiller les valeurs dans lesquelles il a grandi.

De retour à Maurice, il s’occupe de l’élevage des cerfs et d’un nouveau projet d’élevage de bétail à Constance. Il touche à ce moment également à un peu de diversification.

4 ans après, il est appelé en février 2019 pour assister le manager au verger du Domaine de Labourdonnais. Il touche à un domaine qu’il avait certes appris en étude mais commence à vraiment expérimenter la chose sur le terrain avec les réalités locales : climat et autres spécificités tropicales. En octobre, il est promu diversification manager, il gère en toute humilité avec presque une timidité même sinon une simplicité, le verger, le potager, la production de fleurs et la pépinière du domaine.

Ce qui lui plait le plus dans son métier, c’est cette communion avec la nature mais également comme il le dit si bien « d’être dans un secteur ou on est à la base de la société – il faut bien se nourrir pour bien vivre ». Mettre l’emphase sur des produits d’agriculture raisonnée lui semble normal car il a toujours eu une éducation alimentaire très saine en Tanzanie. Il constate que ce n’est pas toujours le cas à Maurice et voudrait inculquer le « mieux vivre » au plus grand nombre. Il a été surpris de voir les applications de pesticides à son arrivée même s’il peut le comprendre vu les contraintes de production à l’ile Maurice car sous les tropiques tout pousses bien et les ravageurs et herbes prolifèrent contrairement aux pays plus tempérés.

Concernant les difficultés de son métier, Pierre nous dit que la main d’œuvre mauricienne est vieillissante et ne se renouvelle pas. Les jeunes trouvent que ce métier physique est contraignant, que les horaires sont décalés avec une lourdeur du secteur et ses syndicats et des résultats aléatoires. Il nous faut absolument bouger vers la mécanisation ou accueillir ceux qui veulent travailler.

Pierre est réaliste et sait qu’il faudra plusieurs années avant qu’à Maurice, la terre puisse recouvrir sa fertilité. Il pense qu’on n’est pas encore prêt à faire du 100% bio au Domaine de Labourdonnais, mais il trouve déjà que la Smart Agriculture ouvre la voie déjà vers le raisonné. Il est fier de dire qu’il y a déjà des produits qu’il ne fabrique où absolument rien n’est appliqué dessus. C’est encourageant !

Pierre pense qu’il a plus à emmener du côté de la diversification puisque beaucoup de recherches ont déjà été faite dans la canne à Maurice.

Il pense que nous devrions privilégier les produits mauriciens puisque c’est la meilleure façon d’avoir une traçabilité sur ce que nous mangeons. « Pourquoi importer si nous pouvons le faire ici. Produire local c’est aussi contrôler notre qualité ».

Pierre connaît le projet Smart Agriculture car il a sauté dans un wagon déjà en marche en intégrant le Domaine de Labourdonnais mais il est déjà convaincu du bienfondé de cette cause qui est l’agriculture d’aujourd’hui et de demain. Les avantages de ce projet sont loin de n’être que financiers, il s’agit pour lui d’un échange technique et humain de connaissance et d’apprentissage.

Pierre voudrait passer un message à la population afin de les conscientiser sur l’importance de mieux manger en favorisant la production locale. Au Domaine de Labourdonnais, il aimerait créer un exemple pour inspirer les autres.

Il respecte les autorités locales mais souhaiterait peut-être qu’ils soient un peu plus conscients que nous avons besoin d’une régulation concernant les importations pour favoriser les fruits et légumes locaux surtout durant les saisons ou nous avons ce qu’il nous faut. « Si on nous aide en nous faisant une place de marché, nous prouverons que la diversification peut fonctionner ». C’est en avançant ensemble public – privé, que nous arriverons à faire bouger les choses. « Il ne faut pas oublier que l’agriculture régule la terre et la vie, nous ne pouvons nous permettre de diversifier la terre des cannes avec de l’immobilier seulement. »

Pierre est optimiste car nous dit-il : « la nature se renouvelle toujours  – ça n’empêche qu’il faut prendre soin d’elle ». Le quotidien n’est pas tous les jours faciles dans les périodes de mouche de fruits par exemple mais il persévère car en agriculture la patience est mère de toutes les vertus. « L’agriculture c’est la vie, ça a besoin de temps, le sol est vivant, les arbres, l’eau, l’écosystème se régule mais ça prend du temps ».