Denis, 47 ans, est marié et a deux fils. Il a commencé à travailler au Domaine de Bel ombre depuis ‘belle lurette’ me dit-il. Il a 26 ans de service. En 1990, fraichement sorti de l’école, il commence par un emploi saisonnier (de juin-novembre) à la balance comme peseur de cannes durant 2 années – c’est ce que fait un de ses fils actuellement, nous raconte-t-il pas peu fier. Il se voit proposer ensuite un emploi permanent d’« agricultural officer » en tant que superviseur aux champs à Bel Ombre. Il enchaine, en 1994, avec une responsabilité à Chamarel / Case Noyale dans la culture du café, le sucre et le palmiste puis revient à la pépinière et participe à la réhabilitation de la forêt endémique autour de la Terre des 7 couleurs.
Académiquement, Denis a suivi une filière scientifique au Collège Royal de Curepipe, il a beaucoup appris sur le tas en écoutant les ‘anciens’ comme il dit. Il décide également de suivre plusieurs formations courtes tout au long de sa carrière afin de se garder à la page des nouvelles techniques et méthodes. Denis a commencé dans le secteur de l’électronique mais très vite, sa passion pour le ‘plein air’ reprend le dessus. Il se rend compte que c’est dans la verdure qu’il est heureux et pas à Port-Louis entre quatre murs.
Denis est un amoureux de la région de Bel Ombre. Il y a toujours séjourné depuis sa plus tendre enfance ; sa mère étant du coin, ainsi que ses oncles, cousins et cousines. La rencontre avec son épouse, habitant le joli village de Chemin Grenier finit par l’ancrer dans l’endroit.
Ce qu’il préfère dans son métier c’est le travail d’équipe, les défis permanents et le côté évolutif de son métier. Il se considère en toute humilité un peu comme un docteur des plantes à la seule différence qu’un patient peut expliquer où il a mal afin que le docteur puisse faire son diagnostic. Pour la plante, il vous faut savoir reconnaitre ses symptômes : savoir si c’est un stress hybride ou pathologique, un manquement dans la terre d’où des analyses de sol qui ressemblent à une analyse sanguine. « J’aime passer à travers les champs pour prendre des nouvelles de mes plantes et autres cultures, mes plantes sont comme ma famille, je prends de leurs nouvelles, je m’émerveille quand ils poussent et donnent de beaux fruits, je suis triste quand une culture meurt de ne pas avoir pu l’aider plus ». Il est en communion avec la nature.
Il est avide de connaissance sur les noms latins, les insectes à favoriser ou pas, les plantes auxiliaires à connaître, les différentes techniques de reproduction des plantes endémiques, comment tailler les plants de café, etc.
À Chamarel, Denis a une équipe de 10 personnes permanentes à qui il essaie de transmettre cette passion. En période de récolte, ces équipes sont étoffées de main d’œuvre contractuelle temporaire.
Denis se dit inquiet de ne pas voir plus de jeunes s’intéresser au secteur de l’agriculture. La seule chose qu’il aime un peu moins dans son métier, c’est le côté administratif qui, il l’avoue, est utile aussi dans la globalité de son métier. Il faut quand même avoir un suivi prévisionnel et budgétaire, gérer les dépenses, procéder aux achats, planifier les nouveaux projets, les calendriers de cultures et de main d’œuvre, etc.
Dès le début du projet Smart Agriculture, Denis est impliqué. Il est convaincu qu’il était temps de trouver des alternatives aux pesticides à Maurice. « Les personnes ayant droit à acheter ou ayant accès aux pesticides doivent savoir comment les utiliser, sur quel dosage, et quand exactement ».
Derrière cette implication, Denis est fier d’être aux petits soins de l’environnement. Il ne nie pas complètement l’importance des pesticides qui ont participé à la progression de l’agriculture mais conclut que nous sommes aller trop loin créant nous-même notre perte au prix de la rentabilité. « Finalement, nous revenons seulement en arrière. On va donner le choix aux mauriciens de manger sain. Étant dans l’agriculture, nous sommes plus éclairés sur la cause et nous nous devons d’être les pionniers sur l’alimentation de demain ».
Denis trouve que ce qui est intéressant dans ce projet : c’est la mutualisation des problématiques qui permettra d’aller plus vite. « Il est enrichissant de voir comment font nos confrères, on peut s’inspirer des pratiques des autres ou partager des essais concluants, nous avons aussi besoin de la recherche et d’autres corps de métiers pour faire des cultures de coccinelles par exemple dont nous pouvons avoir besoin en alternatif. L’objectif est de travailler sur l’augmentation de notre auto suffisance d’ici 10 ans pour plus de traçabilité de ce qu’on mange ».
Le Domaine de Bel Ombre a intégré le projet Smart Agriculture depuis un an et a mis en place une parcelle dédiée à l’implémentation des bonnes pratiques sur une superficie de 3000m2 à l’arrière du château de Bel ombre. Il passera bientôt à 15 arpents. « Les propriétaires de villas viennent déjà acheter leurs légumes et sont contents de voir notre production raisonnée. Nous avons pour objectif de produire également sous serres et de rendre le groupe le plus autonome possible en légumes et fruits ». Pour info, le groupe possède des hôtels, restaurants et villas. Il a des besoins quotidiens en légumes et fruits à travers son secteur hospitalier. Le groupe voudrait offrir à ses clients des produits du terroir, fruits et légumes d’antan tels que les caramboles.
Le domaine produit également aromates et fines herbes, tomates, pomme de terre, laitue, calebasses, carottes, tom pouce, pe-tsaï, chou, aubergines, concombres, giraumon, et bien d’autres…